Les violences que subissent les femmes en Afrique engendrent de nombreuses conséquences. Aussi bien pour les victimes qui les ont subies directement que pour les personnes qui en ont été témoins. Justement, cette dernière catégorie de ‘’victimes’’ est souvent oubliée de la société ; alors que dans bien des cas, elle n’est pas épargnée des effets de leur présence sur les lieux au moment du ‘’crime’’. Cédric, témoin d’un viol dans une localité du Bénin, a confié son malheur à votre rédaction.
L’Afrique est
championne du monde. Championne du monde, mais dans une catégorie bien triste :
celle des violences de tous genres faites aux femmes, notamment en ce qui
concerne le viol. En effet, selon des chiffres publiés par l’Onu, près du tiers
des femmes d’Afrique ont déjà subi au moins une fois le viol de la part d’un ou
plusieurs hommes à la fois. Paradoxalement, les taux de sanctions infligées aux
auteurs sont anormalement bas. Ceci en raison des stéréotypes de la société
africaine, mais aussi et surtout à cause des pressions que subissent les
victimes et… les témoins de ces malheureux événements.
Cette nuit-là,
rentrant tard de son travail, Cédric ne se doutait pas qu’en tournant dans ce
coin de rue, le cours de sa vie changerait. ‘’J’ai tout de suite remarqué que
quelque chose n’allait pas. Deux hommes semblaient s’acharner sur quelque
chose. Aux cris étouffés qui me parvenaient de là où ils se trouvaient, j’ai
compris ce qu’ils faisaient. Ils violaient une jeune fille. J’ai couru vers eux
en criant et quand ils m’ont entendu, ils ont détalé. Ces deux types, je les ai
reconnus immédiatement. L’un d’eux était le fils du chef d’arrondissement et l’autre,
son ami, était le gérant d’une boutique non loin de ma maison. Quand je suis
arrivé au niveau de la fille, elle tremblait et pleurait. Sans écouter mes
paroles, elle s’est aussi sauvée’’, raconte-t-il. Dans ce genre de situation, les victimes,
souvent paralysées par la peur des représailles, n’osent pas aller s’en
plaindre aux autorités, préférant garder pour elles leur malheur. Même les témoins sont menacés et soumis à des
intimidations pour les empêcher de ‘’parler’’. Cédric n’y a pas échappé. ‘’Dès le lendemain, j’ai reçu la visite de
deux jeunes émissaires du fameux Chef d’arrondissement qui se doutait bien que
j’irai voir les autorités. Leur manœuvre avait pour but de m’en dissuader. Face
à mon refus, ils ont commencé à menacer de s’en prendre à moi ou à ma famille.
Ironiquement, je leur ai donné rendez-vous au tribunal et me suis rendu au
poste de gendarmerie de la localité pour porter plainte contre eux.’’
Des menaces aux
agressions physiques
Dès que la
convocation a été transmise, relate Cédric, des menaces par textos ont commencé
à affluer vers ma personne. Toutefois, le témoin étant déterminé à faire tomber
les deux coupables, faisait tout son possible pour que justice soit rendue.
Malheureusement pour Cédric, la victime refusa de dénoncer ses agresseurs.
‘’J’ai appris que la fille avait aussi reçu des menaces du père de l’un des
violeurs, qui n’est rien d’autre que le chef d’arrondissement. Elle avait eu
peur et avait laissé tomber l’affaire. J’étais donc seul contre tous, néanmoins
je n’ai pas renoncé. Voyant que leurs tentatives d’intimidation ne marchaient
pas, ils ont paniqué. Les menaces se sont intensifiées. Dans les textos, on me
signifiait ouvertement qu’on allait s’en prendre de façon violente à ma vie.’’
La situation
s’envenima alors pour Cédric. Il subit successivement deux agressions. Une, au
cours d’un soi-disant braquage pendant lequel sa moto a été détruite et son sac
contenant d’importants dossiers, emporté ; et l’autre, un cambriolage chez lui
en pleine journée. Et dans le même temps, les menaces d’envoûtements mystiques
continuaient de pleuvoir sur le pauvre témoin…
Seul contre tous
Face à cette
situation, aussi bien les victimes que les témoins avouent ne pas bénéficier du
soutien de leur entourage. Ils se retrouvent alors seuls, torturés par leur
désir de rendre justice et la peur qu’ils ont de subir des représailles. Et
quand bien même, ils acceptent déposer plainte pour poursuivre les auteurs, les
soutiens ne sont pas légion. Tant la peur de se faire envoûter ou d’être
agressé est présente dans notre pays. Cédric, lui, en a bien fait les frais et
craint dorénavant pour sa sécurité et pour sa vie. ‘’J’ai vraiment peur
désormais de sortir de chez moi, surtout la nuit. Et même quand je suis à la
maison, je crains qu’on vienne encore me cambrioler ou m’agresser physiquement.
Le pire, c’est quand je pense à ce que l’on peut essayer de me faire à
distance, car on est en Afrique… J’ai vraiment peur, car ça peut maintenant
venir de toute part’’ confie-t-il, visiblement choqué et traumatisé par la
tournure prise par les événements.
Cédric, à l’instar
de toutes victimes des conséquences directes et indirectes de ces drames qui
courent les rues dans notre pays, veut prendre des dispositions sérieuses pour
protéger sa vie. Car, même s’il a porté plainte, il n’est pas convaincu que la
police puisse le protéger. Prendre mes distances voire même disparaître un bon
moment, a-t-il confié à notre rédaction, m’apparaît comme le seul moyen de me
mettre à l’abri tout en essayant d’obtenir justice pour cette pauvre fille.